Je me souviens d’avoir célébré la fête du Canada. C’est vague à mon esprit, il y avait des
drapeaux fripés et des fillettes en robe soleil qui faisaient la girouette. Je
les imitais, trop gênée de leur demander de devenir mes amies. Je revois mon
oncle qui tenait une bouteille de bière en forme de téton, une Dow. C’était sa préférée. Une grande couverture sur la pelouse et ma
mère qui, pour une rare fois, prenait un bain de soleil. Mon père, beau comme
un italien, riait de son grand rire. Je frétillais le popotin en baragouinant Ô
Canada-terre-de-nos-aïeux. Mais qu’est-ce
qu’ un aïeux? Une poignée d’aïeul.
Est-ce que cette fête a bien existé ou ai-je simplement
rêvé?
Il y a quelques mailles dans ma fibre canadienne. Une fois adulte, Je déménageais souvent les premier
juillet, incapable de lâcher cette monstrueuse corvée pour aller profiter des
festivités. Si j’avais pu, je me serais
tatouée un unifolié sur ma poitrine nue, les bras en l’air et les seins au garde-à-vous,
juchée sur les épaules d’un bel ontarien devant le Parlement d’Ottawa. Mais j’étais trop occupée à déménager.
Vous comprendrez que
je vous invite dans le royaume inédit de mes fantasmes. Un rare privilège.
J’ai promené un drapeau du Canada sur mon sac à dos. J’étais fière de dire : "Je suis citoyenne du Canada. Et oui, I am canadian". Les américains, tout
aussi étonnés que cancres en géographie, me demandaient à tout coup : "they
speak french in Canada?" Et oui,
les cousins américains. C’est un beau grand pays, tellement vaste qu’il abrite
deux solitudes.
Aujourd'hui, c'est la fête du Canada. Je festoie à ma façon.
Je vais aux fraises. Je roule sur
une route inconnue près de chez-moi, pour repousser les frontières de ma nation. Je regarde les informations sur CBC. Je peins mes ongles avec du
vernis rouge. J’écoute en boucle du Pascale Picard, tête d’affiche de la fête cette année. Je déroule une
carte pour prendre la mesure de ce vaste territoire que je connais si peu. Je dresse une longue liste des lieux à découvrir.
Je t’aime mal, mon Canada, mais je t’aime tout de même.