Chantale Carignan

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dimanche 17 août 2014

La balade de char du dimanche



Comme prévu, rien au programme puisque c’est dimanche.  Je me lève avec les cheveux en trompette et je décide de plonger dans ma piscine pour mater mon hairdo et infuser mon corps endolori.  Le chat Pouf-Pouf promène sa peluche jaune avec lenteur, coulé dans sa fatigue matinale.  Lui va se coucher et moi je m’apprête à attaquer. Après ma baignade, je déjeune, je vaque et je slaque…et pour un deuxième café, je craque.
Moment parfait, le soleil décide de prendre un break des nuages et darde quelques rayons encourageants. La lumière m’interpelle et je décide d’aller faire un petit jogging peinard en écoutant des vieux hits pour accorder mes foulées sur des accords qui me rappelle mon jeune temps, jadis, lorsque j’avais les cheveux frisés comme un épagneul et que  j’étais mal dans ma peau, pourtant veloutée. C’était il y a plus de 30 ans.

Je boucle la boucle du footing matinal – une expression rapportée de mon année à Strasbourg, Footing, c’est chic! – et je me mets sur mon 36 pour un brunch en famille. J’en jette avec ma robe à 10 dollars du Village des Valeurs. Je sens mon égo qui pousse comme une auréole au dessus de ma tête!  

J’aime les dimanches lorsqu’ils sont…endimanchés. C’est le 60e anniversaire de mariage de tante Laurette et oncle Léopold.  60 ANS! Fuck! Ils ont l’air de tourtereaux, deux élégants oiseaux bien assortis.  Je les regarde, fascinée par la fraîcheur de leur longévité et je me rassure en me disant que je suis sur la bonne voie, en lice pour obtenir le prix Endurance avec mes 22 ans d’amour parfois grinçant avec Chéri.

Après trois cafés, une assiette de tout et de rien (c’est un vrai buffet!) et un bol de baies hallucinantes, je règle l’addition.  40 bâtons pour un brunch sans mimosa, c’est quand même étonnant.  Je repart direction home sweet home avec le sourire, contente d’avoir revu mes cousines tout en me demandant pourquoi on ne se fait pas des soupers de filles plus souvent.  Je réalise que je m’ennuie de mes cousines et de ma famille en général.  En partant, je serre un peu plus longuement tante Pauline dans mes bras puisque c’est celle qui, dans ma lignée maternelle, a eu le cancer du sein comme moi.  Ma tante et moi, on est sœur de sein.
 

En arrivant à la maison, ma plus jeune jongle avec la courte liste des items à apporter pour son camp d’équitation. Puuuuuuurée! Je dois aller la reconduire à Sainte-Croix de Lotbinière.  Mon œuf bénédictine est comme un poing dans mon estomac.  Je lui pousse deux ou trois fringues dans sa valise, des must dont elle ne pourra se passer pour la prochaine semaine, et je pars me blottir pour une micro-sieste sur un divan que j’ai sorti dehors.  J’en avais un de trop dans la maison et j’ai planqué cette chose en simili-cuir sous un abri de jardin. Je me suis félicitée d’une telle économie lorsque je suis tombée à moitié endormie sur cette hideuse pièce de mobilier acheté à la va-vite chez Brick.  Comme pour me convaincre que le bonheur existe, la pluie s’est mise à marteler le toit de tôle de l’abri.  Dieu existe les dimanches en fin d’après-midi.

Princesse des îles a bien fait le boulot : elle a planqué la moitié de son foutoir dans des lieux inusités de sa chambre. Le ménage est au poil et ses bagages sont prêts.  On prend la direction de l’autoroute 30, cap sur l’est.  C’est le bout d’autoroute le plus chiant du Québec.  Un embryon de highway à deux voies qui meurt au bout de 10 kilomètres et vous renvoie sur une route de campagne, la mythique 132. Comme par magie, la route devient un tableau de couleurs saturées sous la combinaison du soleil de fin de journée et du ciel menaçant sur la rive nord.  Une grange rouge sang de bœuf, un champ blond comme les cheveux du petit prince, des chevaux ébouriffant leur crinière comme dans une pub de shampoing, des kiosques de légumes avec une variété en prismacolor. 

« Wow, regarde là-bas!  T’as vu ça? Comment ça se fait qu’on ne vient jamais ici? » Je pointe d’un doigt et tiens le volant de l’autre.  Regarde ceci, apprécie cela…des ordres à ma fille et une façon de me pincer devant la beauté de ce paysage qui diffuse une grâce brûlante sous les rayons obliques et l'orage qui monte. Je me sens privilégiée d’être là au moment où le temps fait des caprices. Les arc-en-ciel nous surprennent à un point tel où je pousse un cri devant le spectacle flamboyant qui défile.  Je n’espérais pas tant d’une promenade en char le dimanche. 

Nous arrivons à Sainte-Croix et les nuages nous ont rattrapées. Princesse des îles prend possession de sa chambre.  Son visage s’illumine lorsqu’on lui dit qu’elle monte ce soir pour évaluer son niveau de compétence…Pour la deuxième fois, je vois un arc-en –ciel mais celui-là est dans son regard.

En revenant, les planètes s'alignent à nouveau. Je pianote pour trouver un poste à la radio. La musique s'impose d’elle-même. Les nuages prennent part à la partition avec grâce dans une interprétation dramatique.  Du bleu électrique fondant vers les gris sombres…Je me fais violence pour rester prudente au volant.  Happée par la beauté mouvante du ciel flottant au dessus de la 132, je roule avec un demi-sourire imprimé sur mes lèvres.

L’aller-retour TR/Sainte-Croix m’a fait prendre de bonnes résolutions : ne jamais oublier que la beauté est partout.  Partout. Attention de ne pas s’y perdre…





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